L’évasion littéraire de Michaël Blauwart

Interview

Michaël, 50 ans

Michaël, 48 ans est handicapé par la sclérose en plaques depuis ses 20 ans. Plus jeune, son rêve d'intégrer la police a été freiné par l'arrivée soudaine de la maladie. Il a su transformer ses rêves en s’évadant à travers ses romans et poèmes avec lesquels il sait faire voyager ses lecteurs. Dans cet article, il va vous faire découvrir son histoire et son monde afin de peut-être faire grandir une passion cachée d’écrivain en vous.

Pouvez-vous vous présenter ?

Michaël : Je m’appelle Michaël, je suis né le 2 novem­bre 1971 à Bay­onne. Je n’ai pas encore 20 ans quand je quitte le monde des valides pour celui du hand­i­cap. Le 3 août 1991, paralysé du jour au lende­main lors d’une par­tie de ten­nis, je prends con­science d’un autre monde, semé de dif­fi­cultés et de batailles qu’il faut livr­er con­stam­ment pour par­venir à se faire une place dans la société. Le ver­dict tombe quelques mois plus tard. Atteint de sclérose en plaques, je suis con­traint de chang­er d’orientation. Voulant depuis tou­jours ren­tr­er dans la police ou la jus­tice, je prends un virage diamé­trale­ment opposé et deviens doc­u­men­tal­iste d’entreprise. Je pars à Paris et passe mon diplôme de jour­nal­iste (option radio) que j’obtiens avec men­tion assez bien en 2009. En 2010, affaib­li par une mal­adie insi­dieuse, touché par des prob­lèmes de con­cen­tra­tion mais l’esprit tou­jours ani­mé par la volon­té de créer et cer­taine­ment tou­jours ambitieux, je fonde l’association “Les édi­tions Claire Lor­rain” avec Anne, mon épouse. Si der­rière le fau­teuil, se cachent tous les autres prob­lèmes liés à la SEP, la mal­adie curieuse­ment, m’a per­mis de pren­dre un cap où j’ai pu mod­este­ment, à mon niveau, m’imposer comme écrivain.

Comment avez-vous géré l’annonce de la SEP ?

M : De car­ac­tère plutôt com­bat­if, l’annonce de la mal­adie a imposé à mon esprit deux choix sim­ples : soit on s’écroule et on ren­tre dans une longue dépres­sion, soit on se relève et on se dit que de toute façon la vie sera dif­férente et qu’il fau­dra com­pos­er avec de nou­veaux paramètres. Comme j’aime si bien le dire « Dans une vie, on croit naître une fois. Ce n’est pas tou­jours vrai, dans mon cas, je serai né deux fois, une pre­mière fois par le proces­sus nor­mal en sor­tant du ven­tre de ma mère et une sec­onde en quit­tant le monde des valides pour celui du hand­i­cap. C’est celui-ci qui dans mon des­tin m’aura appris le plus. »

Michaël dédi­caçant son livre en librairie

Pouvez-vous nous parler de vos œuvres littéraires ?

M : J’ai écrit à ce jour 18 ouvrages. Mon pre­mier roman « Lydie ou les larmes en Hiv­er » paru en 1996, traite d’un jeune pro­fesseur de français atteint par la mal­adie, qui va se lier avec une de ses élèves, grave­ment malade elle aus­si. Je suis tombé malade en 1991 et en 1993, j’ai écrit ce pre­mier roman. Au début, même si j’ai rel­a­tive­ment bien accep­té la mal­adie, j’avais besoin d’en par­ler, de l’écrire. Par­tant de ma pro­pre expéri­ence, j’ai tis­sé les liens de l’histoire autour de la sclérose en plaques. J’ai écrit des romans, des recueils de poésie, un recueil de nou­velles et un ouvrage sur la mémoire vivante, ouvrage où je relate l’évolution sur un siè­cle d’un vil­lage des Lan­des. Au fil des années, avec l’expérience, la matu­rité cer­taine­ment, l’écriture évolue. Dans tous les autres romans, j’ai con­stru­it mes his­toires en voulant créer un sus­pens, une intrigue qui incite le lecteur à tourn­er la page en semant des petits indices. Sans être polici­er, mes romans se définis­sent plutôt comme des romans famil­i­aux entretenu par une intrigue que j’essaie de main­tenir jusqu’à la fin. Mon dernier ouvrage « L’Illusion des Ros­es » paru à la fin de l’année 2019 met en scène Con­stance Rieux, jeune femme dev­enue tétraplégique en étant per­cutée par une voiture dont le chauf­fard dis­paraît. Volon­taire et mal­gré ou grâce au hand­i­cap, après avoir été ingénieur en recherche molécu­laire, Con­stance va rebâtir sa vie en devenant rosiériste.

Pour la poésie, Anne qui m’accompagne et me sou­tient depuis 1997, est dev­enue une de mes prin­ci­pales sources d’inspiration, l’actualité égale­ment peut m’inspirer. Mais, il est évi­dent que la poésie est dev­enue un art partagé à titre con­fi­den­tiel car elle ne se lit pas comme on lit un roman. Elle se con­stru­it et s’invente.

Et si l’on peut trou­ver, un lien à tous ces ouvrages, c’est incon­testable­ment le sens des valeurs et le courage des per­son­nages à accepter leur par­cours mal­gré leurs épreuves.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ces livres ? Dans quel but ?

M : « Ecrire donne toutes ces ver­tus de noblesse pour soign­er nos maux avec des mots ». Et c’est exacte­ment ce qui s’est passé.

L’écriture a de mul­ti­ples formes. De la poésie au roman en pas­sant par la mémoire vivante et enfin par l’écriture jour­nal­is­tique. Toutes ces tour­nures sont dif­férentes. Ecrire un son­net, ce n’est pas écrire un roman ou écrire encore un papi­er de presse. Pour ma part, écrire en toute humil­ité, c’est en quelque sorte jon­gler d’une forme à l’autre en prenant plusieurs vis­ages : soit celui du poète, soit celui du romanci­er, soit celui du journaliste.

Comme toute forme artis­tique, l’écriture est en soi et se cul­tive à chaque jour qui passe. Le temps, les expéri­ences et la matu­rité lui offrent inévitable­ment un nou­veau tremplin.

L’écriture n’est pas arrivée quand je suis tombé malade. Elle était déjà présente depuis l’adolescence. Certes, je fai­sais plus de sport que j’écrivais. Mais, depuis ma plus ten­dre enfance, j’ai rapi­de­ment analysé mes dif­férences avec mes autres cama­rades. Hyper sen­si­ble et me révoltant très vite con­tre les injus­tices, à l’adolescence, le besoin vital d’écrire s’est fait ressen­tir très vite. C’était en moi, l’amour de la lec­ture d’abord, et l’envie de vouloir créer ensuite, dev­enue comme une suite logique. Quoi de plus mer­veilleux que de partager ses sen­ti­ments ou faire pass­er des mes­sages à tra­vers les mots. J’ai très vite com­pris qu’une phrase bien con­stru­ite était en elle-même une force pour amen­er l’autre à une prise de con­science. Je peux citer le dis­cours de Mar­tin Luther King « I have a dream »* entré aujourd’hui dans la mémoire collective.

*J’ai un rêve

Le livre de Michaël Blauwart “Lydie ou les larmes en hiv­er”, aux Édi­tions Claire Lorrain.
Le livre de Michaël Blauwart “L’illusion des Ros­es”, aux Édi­tions Claire Lorrain.

Avez-vous des nouveaux projets d’écriture, éventuellement en lien avec la crise actuelle et le confinement ?

M : L’écriture m’accompagne chaque jour. Après l’Illusion des Ros­es, un nou­veau roman est en route. A la fin de chaque livre, lorsque je mets le point final, j’ai un étrange sen­ti­ment. Celui d’une sépa­ra­tion avec les per­son­nages car curieuse­ment, tout le long de l’histoire, ils vivent et évolu­ent avec moi. Ils ont leur car­ac­tère, leurs défauts et leurs qual­ités. Bref, ils sont vivants. Au point final, on peut par­ler de déchirement.

Durant ces deux mois de con­fine­ment, l’esprit a été act­if pour par­ler de coro­n­avirus que cela soit jour­nal­is­tique­ment à tra­vers deux bil­lets d’humeur et poé­tique­ment en écrivant deux son­nets et une poésie de forme clas­sique en hom­mage aux soignants. Les Archives départe­men­tales de Bor­deaux ont demandé aux écrivains et jour­nal­istes si nous pou­vions envoy­er nos dif­férentes créa­tions sur cet épisode de l’Histoire que nous vivons tous à notre niveau, sans en con­naître encore l’épilogue. Ces envois seront présen­tés pour une expo­si­tion qui seront ensuite mis à dis­po­si­tion pour le pub­lic et servi­ront pour les généra­tions futures à con­di­tion de renon­cer à nos droits sur ces écrits, ce que j’ai fait.

Quels conseils donneriez-vous à des Sepiens qui aimeraient se lancer dans l’écriture ?

M : Ecrire est une vaste aven­ture qui se joue au quo­ti­di­en. On écrit d’abord pour soi, le besoin irré­press­ible d’exposer des sen­ti­ments que l’on ne peut plus con­tenir à l’intérieur de notre Moi intérieur. Les mots ser­vent à ça, per­me­t­tre de qual­i­fi­er cette charge émo­tion­nelle accu­mulée, le fruit de la pro­fondeur de notre être. Le con­seil que je peux don­ner pour ceux qui ne sont pas cer­tains de leur écri­t­ure, c’est de ne jamais hésiter à se lancer. Même si l’on ne com­pose pas un chef d’œuvre du pre­mier coup, l’écriture est une évo­lu­tion de chaque jour. Mais l’écriture doit surtout appren­dre à rester hum­ble. Je pense surtout que la beauté des mots doit réson­ner comme une humil­ité intérieure que l’on doit garder en soi.

Vous pou­vez retrou­ver en libraire les œuvres de Michaël, éditées chez Claire Lor­rain Editions.

M‑FR-00000380–1.0 – Établi en juil­let 2020

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