Delphine, 40 ans
Voici la suite du projet de Delphine, une femme indépendante et avide d’aventures diagnostiquée de la SEP il y a 17 ans. Elle a su surmonter la maladie et a décidé d'entamer prochainement un tour du monde. Dans ce Blog ta SEP, Delphine va nous expliquer comment s'organiser au mieux, aussi bien d'un point de vue personnel que professionnel, mais aussi avec son médecin et ses traitements.
Combien de temps faut-il pour préparer un tel défi ?
Delphine : Il m’a fallu environ un an et demi pour budgéter et préparer un tel périple. Mais cela fait déjà 3–4 ans que l’idée germe dans ma tête.Il y a beaucoup de choses auxquelles il faut penser avant de partir, et encore plus quand on a une SEP : Comment faire pour partir avec plusieurs mois de traitement, quelle assurance prendre, quels vaccins je dois/ peux faire avant le départ, quel équipement prendre dans le sac pour ne pas trop l’alourdir et donc ne pas fatiguer mes jambes… Ce dernier point me prend beaucoup de temps, car j’étudie le poids de tout ce qui m’accompagnera en voyage (sac à dos principal, sac à dos secondaire plus petit, poids du duvet, poids de la trousse de toilettes, poids des chaussures, poids des vêtements, de la trousse à pharmacie, poids de l’appareil photo et de l’équipement électronique…). Bref tout cela demande beaucoup de temps de recherche ! Mais c’est nécessaire pour voyager dans de bonnes conditions.
Je lis beaucoup de blogs de voyage, c’est un excellent complément des guides papiers, et plus spécifiquement les blogs de femmes voyageant seules, ce qui me permet d’avoir en plus un retour plutôt objectif en termes de sécurité concernant les destinations que je vise.
Où avez-vous trouvé les financements pour ce défi ?
D : Avant même de réfléchir sur la manière dont j’allais financer le projet, je devais dans un premier temps faire une estimation du coût d’un tel périple. Ainsi pour chaque pays que je souhaite découvrir pendant mon TDM, j’ai établi un budget moyen mensuel, pour chaque pôle de dépenses (logement, nourriture, transports, activités), après avoir lu des guides et plusieurs blogs de voyages. Cela m’a ensuite permis d’avoir une estimation du budget global, et du montant que je devais économiser et/ou emprunter.
Finalement, je vais réussir à m’auto-financer avec mes économies personnelles. Même si je ne me suis attelée à la préparation de mon TDM que depuis un an et demi, l’idée encore une fois était omniprésente dans ma tête depuis plus longtemps. J’économisais donc déjà depuis 3–4 ans, en me disant qu’un jour peut-être je réaliserai un TDM.
A mon retour de voyage en Inde en Mars 2019, j’ai officiellement lancé le projet, et je me suis mise à économiser dix fois plus. De plus, j’ai eu une promotion qui m’a permis d’avoir un salaire plus important et donc de mettre plus d’argent de côté. Parallèlement, j’ai arrêté toutes les dépenses superflues : plus du tout de shopping, plus de cinéma, plus d’escapade le week-end, pratiquement plus de restaurants, (sauf ceux qui prennent les tickets resto) ! Je privilégie plutôt de boire un café ou un verre avec mes amis, ou simplement de se voir chez eux ou chez moi, plutôt qu’un repas au restaurant, bien plus cher. J’ai réduit ma routine beauté au strict minimum.
Et surtout, j’ai décidé de quitter mon studio parisien pour faire des économies de loyer. J’ai donc cherché une chambre à sous louer, pour bien moins cher, quitte à rogner sur le confort, l’intimité, l’espace. Pour moi la priorité était de mettre de l’argent de côté, tant pis pour l’indépendance ! J’ai commencé à en parler autour de moi. J’étais prête à renoncer à avoir un chez moi pour faire des économies.
Et là, j’ai eu de la chance, ma route a croisé deux anges gardiens, un couple d’amis qui m’a proposé de m’installer chez eux moyennant une toute petite compensation financière. Ce sont mes bienfaiteurs, mes anges, mes bonnes fées, des amours ! Grâce à eux, j’ai pu mettre beaucoup d’argent de côté ! Je n’aurai jamais assez de merci pour leur exprimer toute ma gratitude pour leur gentillesse et leur générosité. Grâce à eux et à mes économies drastiques, je peux partir sans emprunter et plus longtemps.
Aviez-vous déjà fait un tel voyage avant l’annonce de la SEP ?
D : Absolument pas ! Je n’avais jamais voyagé avant l’annonce de ma SEP (j’avais 25 ans quand le diagnostic est tombé). Internet en était à ses débuts, Facebook avait un an, Instagram et les blogs de voyages n’existaient pas ! J’ai commencé à voyager à l’âge de 30 ans, 5 ans après le diagnostic.
Avez-vous des craintes avant ce défi ?
D : Oui plein ! Me faire braquer, me faire agresser, me faire voler mes affaires, le traitement pour ma SEP… Et dans ce cas-là, est-ce que je rentrerai en France ou pas… ? Je ne sais pas pour être honnête. Je serai en lien constant avec ma neurologue, et je me dis que j’aviserai le moment venu si cela se produit.Je redoute également l’éloignement avec mes amis et ma famille sur une période aussi longue.
Et surtout je me demande vraiment comment mon corps va réagir. L’idée de tomber malade, que ce soit en lien avec ma SEP ou pas, est omniprésente. Je suis sous immunosuppresseurs, avec donc un système immunitaire moins efficace. Comment gérer une poussée, une infection, seule et aussi loin ? J’ai peur de cela mais ça ne m’empêchera pas de partir. Toutes mes craintes sont normales, et même essentielles, elles me poussent à préparer au maximum mon voyage en amont, même si l’inconnu sera le principal ingrédient de ce défi !
Quelles activités prévoyez-vous de faire lors de votre voyage pour gérer la maladie ? (sport ? relaxation ? méditation ? musique ?…)
D : Tout d’abord, j’essaie de me préparer physiquement avant le départ. C’est essentiel de préparer mon corps à l’effort qui l’attend. Je fais des exercices de renforcement musculaire, notamment du dos, des épaules, des abdominaux pour bien préparer mon corps au port du sac à dos ! D’autre part, je travaille également les membres inférieurs, avec toujours des exercices de musculation mais également beaucoup de marche. J’évite par exemple de prendre le métro et privilégie la marche au maximum, ce qui me permet de travailler mon endurance, et d’habituer mes jambes à l’effort.
Ensuite, durant le voyage, le plus dur pour moi sera de m’écouter et d’écouter mon corps : j’ai tendance d’une façon générale à attendre d’avoir atteint les limites de l’épuisement pour ralentir le rythme… Mauvaise idée…J’ai en effet été confrontée à cela cet été en Indonésie : j’ai tellement enchaîné les nuits avec peu de sommeil + des heures de transports dans des conditions pas très confortables, que mes jambes ont dit stop à un moment, et j’ai dû rester couchée toute une journée pour que mes gambettes récupèrent. Elles étaient KO et moi je ne tenais plus debout. J’ai repris des forces pour les jours suivants.
L’idée c’est vraiment de voyager à mon rythme, et surtout de ne pas m’en vouloir si je ne peux pas faire les activités ou randos que j’avais prévues. Je vivrai plein d’autres choses pendant ce périple, et il faut se dire que renoncer ce n’est pas du tout un échec, mais plutôt une preuve d’écoute et de bienveillance envers soi-même. Je veux vraiment voyager lentement, mais sûrement. C’est aussi pour ça que je ne prévois pas de réservation, car je veux pouvoir me dire que si finalement je suis fatiguée, et bien ok je reste plus longtemps à tel endroit pour reprendre des forces, sans me mettre des contraintes de temps.
Le repos sera donc une composante essentielle de mon voyage pour gérer la maladie. A cela, il faut ajouter une petite faiblesse musculaire chronique au quadriceps gauche (séquelles de mes premières poussées). De fait ma jambe gauche fatigue beaucoup plus vite que la droite et peut être rapidement douloureuse. Je dois donc faire attention de ne pas trop en faire, au risque de mettre plusieurs jours à m’en remettre, et de pratiquer des étirements de manière très régulière. La nage me fait également un bien fou, je prévois donc de me mettre à l’eau à chaque fois que ce sera possible !
Si vous deviez donner un conseil à ceux qui n’osent pas réaliser ce genre de défi quel serait-il ?
D : Il faut commencer par de petits voyages et y aller crescendo. Partez déjà en week-end dans une ville Européenne, puis tentez une semaine de vacances, puis tentez 2 semaines à l’étranger, puis 3….
Cela permet de se rassurer et de tester ces capacités à voyager (seule ou pas), de se familiariser avec le fait de voyager avec son traitement. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise façon de voyager, il n’y a que celle qui vous convient et vous apporte du bonheur.
Parfois, notre vie, notre système social de référence, notre entourage, nous imposent parfois bien plus de limites qu’il y en a en réalité. Ça peut sembler fou qu’à 41 ans (l’âge que j’aurai à mon départ) je parte seule faire un tour du monde, en ayant une SEP… Alors oui je mets en suspend ma carrière, oui je suis souvent très fatiguée et fatigable, oui j’ai un traitement quotidien… Pour beaucoup ce que je m’apprête à faire n’est pas raisonnable. Certains ne comprennent pas ce que m’apportent les voyages. Ce n’est pas grave. Moi je le sais. Et c’est tout ce qui compte. Vivez pour vous et jamais pour les autres.
Et puis qui ne tente rien n’a rien. Peut-être que je devrai rentrer au bout de 3 mois, mais ce n’est pas grave ! J’aurai essayé ! Et je repartirai peut-être quelques mois plus tard ! Ne laissez pas les peurs des autres vous envahir, ou vous donner l’impression que votre projet n’est pas raisonnable. Ecoutez-vous avant d’écouter les autres. Vous seuls savez ce qui est bon pour vous.
Retrouvez Delphine sur Instagram où elle partage ses photos, ses anecdotes et ses conseils de voyage : @separti_lesvoyages
M‑FR-00000305–1.0 – Établi en juin 2020
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