
Delphine, 40 ans
Delphine est responsable d’un magasin de prêt-à-porter et a été diagnostiquée de la SEP il y a 17 ans. Après de nombreuses remises en question liées à la maladie, cette femme indépendante et avide d’aventures nous raconte comment elle a surmonté et accepté la maladie. Après une longue réflexion, Delphine entame un projet fabuleux : partir faire le tour du monde en solitaire. Dans ce Blog Ta SEP, elle nous racontera les dessous de cette aventure et les raisons qui l’ont motivées : il n’est jamais évident de quitter ses repères, surtout avec cette pathologie.
Pouvez-vous vous présenter (âge, profession, diagnostiquée SEP depuis combien de temps…) ?
D : Je m’appelle Delphine, j’ai 40 ans, et je suis responsable de magasin dans le prêt-à-porter pour enfant. Le symptôme inaugural de ma SEP (Sclérose En Plaques) fût une névrite optique à l’œil droit, à l’âge de 23 ans. Le diagnostic a été officiellement posé deux ans après. J’ai donc 17 ans de SEP derrière moi et j’en suis déjà à mon 4ème traitement !
Comment avez-vous géré l’annonce de la SEP ?
D : Je l’ai extrêmement mal vécu, pour la simple et bonne raison qu’on ne m’a même pas expliqué ce qu’était la SEP.
Je me souviens très bien de ce moment précis où ma vie a basculé : lorsque le médecin a prononcé les mots « sclérose en plaques », je me suis dit : « ok, ma vie est finie », et ma vie s’est en effet effondrée ! J’étais si jeune (25 ans lors du diagnostic), j’ai pensé que ma vie allait brutalement s’arrêter. Le neurologue qui me l’a annoncé n’a même pas pris 5 min pour m’expliquer la pathologie, me parler des traitements… Je suis ressortie de la consultation sans aucune information. J’avais tellement de questions, et aucune réponse… Je suis allée glaner des informations sur le net…. J’étais terrassée par l’angoisse. Je ne l’ai pas de suite annoncé à ma famille car j’avais besoin de digérer l’information, et d’en apprendre plus sur le sujet pour leur en parler sereinement.
J’étais complètement déprimée, sous anxiolytiques et antidépresseurs pendant quelques mois. J’ai perdu beaucoup de poids… J’avais des amis autour de moi, mais pourtant je me sentais seule, je ne connaissais personne qui avait cette pathologie, et à l’époque les réseaux sociaux n’étaient pas développés comme maintenant.
Finalement, au bout de quelques mois, sur les conseils insistants de mon médecin traitant, je suis allée consulter à la Fédération de Neurologie de la Salpêtrière. J’ai pu rencontrer une neurologue spécialisée dans la SEP, qui a été incroyablement douce et bienveillante, et a vraiment pris le temps de m’expliquer le processus de la SEP. Elle m’a rassurée, avec des mots simples, et a pris tout le temps qu’il fallait.
J’ai ensuite participé à des groupes d’éducation thérapeutique, et c’est ce qui m’a « sauvée ». Je pouvais enfin échanger avec d’autres personnes atteintes de SEP, à des stades différents. Je pouvais poser toutes mes questions, sans tabou. Je voyais que certaines d’entre elles vivaient très bien avec la maladie et ce, depuis des années ! Ces réunions m’ont redonné une énergie incroyable, et m’ont sortie de la solitude et de l’angoisse. Il m’a fallu une bonne année et demie pour digérer le diagnostic.

Pouvez-vous nous décrire votre défi ?
D : Je pars seule faire un petit tour du monde (TDM), avec mon sac à dos, pour une durée d’environ 18 mois (plus ou moins), à travers l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale et l’Asie. Je ne sais pas encore si je ferai des volontariats ou du woofing (financement du voyage en mettant à contribution sa force de travail, gîte et couvert contre de petites tâches au sein d’une exploitation agricole), je verrai sur place. Concernant les hébergements, j’alternerai entre auberges de jeunesse, hôtels peu chers, pensions de famille et couchsurfing (service d’hébergement temporaire et gratuit, de personne à personne). Je devais partir en Juillet 2020, mais la covid 19 en a décidé autrement ! Je partirai donc dès que la situation sanitaire sera revenue à la normale, partout dans le monde.
C’est un vrai défi physique et mental, car seule, si loin de ma famille et de mes amis, je sais que ce ne sera pas toujours une partie de plaisir. Aujourd’hui je suis de plus en plus fatiguée et fatigable, mais je réaliserai ce périple à mon rythme.Je pars sans aucune réservation, pour faire vivre mon voyage au rythme de mes envies, de mes rencontres, et aussi au rythme de ma SEP ! Elle sera mon compagnon de voyage pendant toute cette période !
Je vais également devoir partir avec un minimum d’équipement, pour ne pas trop fatiguer mes jambes, et ça c’est un autre défi : un sac à dos de 40/50L maximum pour ne pas dépasser 9/10 kg + un petit sac à dos qui ne devra pas dépasser les 2 kg une fois rempli avec mon matériel (appareil photo, liseuse, gopro…). L’idée est de partir avec maximum 11/12 kg sur le dos pas plus, mais je vais essayer de me challenger pour ne pas dépasser les 10 kg grand sac et petit sac compris !


Qu’est-ce qui vous a donné envie de réaliser ce défi ? Dans quel but ?
D : Dans les premières années de ma maladie (entre 23 et 30 ans), j’ai fait toutes sortes de poussées, avec des troubles moteurs, sensitifs, urinaires. J’ai dû parfois marcher avec une canne, demander de l’aide pour enfiler une chaussure. A certains moments, j’ai eu des troubles sphinctériens, génitaux et urinaires qui ont beaucoup affecté ma vie sociale et amoureuse. J’ai dû arrêter un premier traitement au bout d’un an et demi car je faisais de plus en plus de poussées, je n’en pouvais plus …
Si on m’avait dit à cette période : « tu verras un jour ça ira mieux et tu pourras faire plein de choses et peut-être même voyager à l’autre bout du monde avec ton sac à dos ». Je ne l’aurais jamais cru. J’aurais répondu : « Ce n’est pas vrai, je ne connais personne qui a une SEP et qui voyage, et de toute façon ça n’ira pas en s’arrangeant ». J’étais, en quelque sorte, résignée. Puis j’ai commencé un second traitement, ma SEP s’est stabilisée… et je suis doucement arrivée à 30 ans, âge de mon tout premier voyage : le Mexique.
Ça a été une vraie révélation : Premier voyage (en couple à l’époque), sans aucune réservation, une aventure pour moi ! Et aussi un premier cap passé, qui m’a permis de me rendre compte que je pouvais voyager en sac à dos avec ma SEP, mon traitement (toutes ces seringues au Mexique !) mais en allant à mon rythme. S’en sont suivies d’autres découvertes merveilleuses (toujours en couple) : la Réunion (avec des randonnées parfois très physiques sur deux jours), le Japon (avec l’ascension du Mont Fuji), la Mongolie, la Corse.
Et depuis, chaque pays que je découvre me rend plus riche, me façonne, me challenge. A chaque fois que je suis rentrée de voyage, je n’étais plus tout à fait la même, avec toujours cette frustration de ne pas avoir eu assez de temps sur place, mais aussi ce sentiment de dépassement de soi et de la maladie.
Fin 2015, je divorce et je refais une petite poussée avec un léger trouble moteur à la jambe gauche, due au stress, j’ai donc stoppé les voyages pendant un an.Puis j’ai redémarré doucement l’été 2016 avec Venise et Rome, en me disant « si j’ai un souci je peux rentrer en France ce n’est pas loin ». Tout s’est bien passé, pas de poussée. J’ai commencé un traitement par voie orale quelques mois plus tard.
J’ai ensuite commencé à voyager seule, et découvert la Thaïlande, Cuba, L’Indonésie, New York. A chaque voyage, je me disais « J’ai réussi !! J’ai tenu !! Toute seule ! ». J’ai aussi vécu des moments de solitude, dû parfois renoncer à certaines choses et ralentir le rythme tellement j’étais fatiguée. Mais globalement, je rentrais avec ce sentiment d’être plus forte qu’avant.
Et du coup j’avais très envie de recommencer ! A chaque retour, je planifiais déjà le voyage suivant. C’était comme si un défi rempli en appelait un nouveau à programmer ! Parallèlement, l’idée d’un tour du monde s’enracinait de plus en plus dans ma tête, à chaque retour. Si, au moment du diagnostic, il y a 15 ans, j’avais eu sous les yeux un témoignage comme celui que je vous livre aujourd’hui, avec mes 17 ans de recul, cela m’aurait fait un bien fou et aurait peut-être atténué une partie de mon angoisse ! Je me serais dit : « Ok, j’ai une SEP, mais la vie ne s’arrête pas forcément. J’ai quand même une chance de réaliser de belles choses, et d’avoir une vie normale ». J’aurais eu un peu d’espoir.
Je veux avant tout donner cela aux futurs diagnostiqués, de l’espoir. Si je peux leur éviter cet enfer et cet enfermement que j’ai connus au moment du diagnostic, ce serait formidable. Je souhaite que le partage de mon expérience puisse leur donner de la force pour le combat qui les attend. J’ai à cœur de montrer un visage plus positif de la maladie, et de transmettre que la vie ne s’arrête pas forcément au diagnostic, qu’il est impossible de savoir comment notre pathologie va évoluer. Rien n’est acquis, rien n’est figé.
La sclérose en plaques ne sclérose pas forcément notre vie. Alors gardons espoir et battons-nous ! Je ne sais pas de quoi sera fait demain. Peut-être que mon tour du monde s’arrêtera au bout de 4 mois car je serai trop fatiguée, ou qu’une poussée se sera déclenchée… Mais peu importe ! J’aurai essayé, et j’aurai malgré tout profité à fond de chaque instant !
Il n’y a pas de petits ou grands voyages, il y a juste celui qui nous apporte quelque chose, quel que soit sa forme. Un voyage au Pérou n’a pas plus de valeur qu’un voyage à Strasbourg. On peut vivre dans les deux cas de merveilleuses expériences et faire de belles rencontres ! A chacun notre aventure et notre défi !

Avez-vous des conseils à donner aux personnes atteintes de SEP pour gérer cette période (pendant le confinement, après le déconfinement, etc.) ?
D : Comme beaucoup de personnes ayant une SEP, j’ai dû rester confinée plus longtemps que les autres, et je n’ai toujours pas repris le travail. Étant sous immunosuppresseurs, je dois encore limiter les interactions sociales et les sorties, sur les conseils de mon médecin. Je suis pourtant quelqu’un de très actif au quotidien, je vois très souvent mes amis en temps normal, j’avoue que c’est donc une période un peu compliquée, surtout quand on voit ses amis commencer à retrouver une vie sociale… mais sans nous !
Afin de ne pas me laisser dévorer par l’inactivité et de ne pas « subir » les journées, je m’astreins à garder un rythme : je mets le réveil chaque matin à 7h30, je me donne une activité à faire jusqu’à l’heure du déjeuner. Je limite mon temps passé devant la télé. Je me couche à une heure raisonnable. Et surtout, j’essaie de me trouver une activité « plaisir », ou quelque chose que je ne prends jamais le temps de faire quand je travaille : faire mes albums photos sur internet par exemple ; Tester des recettes de cuisine ; Mais pour d’autres ça pourrait être tout simplement prendre le temps de lire un bon livre, faire le tri dans ses affaires, dessiner, peindre… On peut aussi se dire que ce confinement c’est un moment pour nous, un moment qu’on ne prend jamais le temps de prendre d’ordinaire, qui nous permet de nous recentrer sur nous, de prendre soin de nous, et de faire un peu le point sur nos envies, nos frustrations.
Comment vous êtes-vous occupés pendant cette période ?
D : J’ai eu la chance d’être confinée en famille et à la campagne les deux premiers mois (avec ma sœur, mon beau-frère, mon neveu de 3 mois et ma nièce de 6 ans), les journées étaient donc bien remplies ! Entre jeux, cuisine, gestion du quotidien, écriture pour mon futur blog de voyage, et balade quotidienne dans la campagne, je n’ai pas vu le temps passer ! Puis je suis rentrée à Paris mi-Mai. Je me suis concentrée davantage sur la création de mon blog, j’ai repris une activité physique plus régulière, et j’étudie d’autres pays pour mon TDM !
…
Retrouvez Delphine dans un prochain Blog Ta SEP où elle vous expliquera comment s’organiser pour un tel voyage et comment surpasser ses craintes.
En attendant, suivez Delphine sur Instagram où elle partage ses photos, ses anecdotes et ses conseils de voyage : @separti_lesvoyages
M‑FR-00000304 – Établi en Juin 2020
qu'en pensez vous ?
Pupuce
15/06/2023C'est super. Rien impossible.juste prendre son temps et prendre plaisir. Merci